Par Pamela Fuselli et Dr Kathy Belton

Rares sont les jours où la prévention des blessures remporte un succès monumental. Le 20 mars 2023 a pourtant compté parmi ces jours à marquer d’une pierre blanche, lorsque Santé Canada a annoncé la création du 1-844-POISON-X.

Un numéro sans frais, ça peut sembler anodin, mais pour les nombreuses personnes qui ont travaillé pendant plus de dix ans à sa mise en place, c’est un jour à célébrer.

Remontons dans le temps, jusqu’à une douzaine d’années en arrière. À l’époque, nous dirigions chacune une organisation à but non lucratif, Safe Kids Canada (l’une des organisations héritées de Parachute) et l’Alberta Centre for Injury Control & Research, et nous avions conscience de l’ampleur à la fois cachée et significative des empoisonnements au Canada, en particulier chez les enfants. L’empoisonnement est un problème négligé car il ne reçoit que peu d’attention de la part des médias ou des politiques. Il s’agit pourtant d’un problème de santé publique beaucoup plus important que ce que l’on reconnaît généralement : en 2018, dernière année pour laquelle des données nationales complètes sont disponibles, l’empoisonnement était la troisième cause de décès par blessure.

Il y a dix ans, il n’existait pas de système global de prévention et de contrôle des intoxications au Canada. Nous voulions comprendre l’environnement actuel de la prévention des empoisonnements au Canada et recommander les mesures à prendre. Nous avons obtenu une petite subvention de planification et de diffusion des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et des contributions en nature de l’Agence de santé publique du Canada. Le 5 avril 2011, nous avons réuni pour la première fois à Ottawa un groupe d’experts de la prévention des blessures, des centres antipoison régionaux et du gouvernement pour partager et discuter des questions liées aux empoisonnements et à la prévention des empoisonnements au Canada. Cette réunion a marqué le début de collaborations qui se poursuivent encore aujourd’hui.

Suite à cela, nous avons co-rédigé White Paper on the Prevention of Poisoning of Children in Canada (Le Livre blanc sur la prévention des empoisonnements chez les enfants au Canada), publié en octobre 2011. Ce document présente le contexte du problème des empoisonnements au Canada et identifie les concepts clés, les théories, les sources de preuves et les lacunes dans les connaissances relatives aux empoisonnements au Canada. Nous nous sommes concentrés sur les enfants, car ils constituent une population vulnérable aux empoisonnements et ont toujours été la cible des interventions de prévention des empoisonnements. Ce document contient cinq recommandations et, dans la recommandation n° 4, nous avons identifié deux besoins au niveau du système qui, depuis, ont été satisfaits. 

Le premier était un système national de surveillance des empoisonnements. Des champions au sein de Santé Canada et de l’Agence de santé publique du Canada ont mené cette initiative. En collaboration avec les cinq centres antipoison régionaux, l’Association canadienne des centres antipoison et de toxicologie clinique et Parachute, le Système canadien de surveillance des données sur les intoxications (SCSDI) a été créé en l’espace d’une décennie et sera bientôt pleinement mis en œuvre. 

Le 20 mars 2023, le deuxième est devenu réalité : une ligne téléphonique sans frais au Canada que le public peut utiliser pour accéder à son centre antipoison local. Cela signifie que les personnes qui appellent dans la plupart des provinces et territoires (à l’exception du Nunavut et du Québec) n’ont pas besoin de connaître le numéro de téléphone de leur centre antipoison régional, mais peuvent utiliser le numéro gratuit 1- 844-POISON-X, où qu’elles se trouvent au Canada. 

Après la publication du document de 2011, une collaboration intersectorielle dans le cadre de l’Atelier de préparation CBRNE/HazMat pour les intervenants de première ligne avec plus de 60 experts de tout le Canada, sous la direction de l’Agence de la santé publique du Canada, a débouché sur un rapport publié en janvier 2014, dans lequel la mise en place d’une ligne téléphonique gratuite est citée comme l’une des principales priorités. 

En 2020, la Synthèse des preuves en matière de prévention des empoisonnements au Canada, a été publiée par Parachute et l’Injury Prevention Centre (anciennement l’Alberta Centre for Injury Control and Research) en collaboration avec de nombreuses personnes ayant contribué au premier document. Ce document dresse un tableau actualisé des empoisonnements au Canada, en reconnaissant les progrès du système de surveillance, mais en notant l’absence d’une ligne téléphonique gratuite. 

La réalisation de deux services importants, axés sur le système, au cours d’une décennie de collaboration dévouée, démontre la véritable force de l’engagement de toutes les personnes impliquées dans ces efforts. Nous sommes fiers d’y avoir participé.

Pamela Fuselli est la Présidente-directrice générale de Parachute. Kathy Belton est est directrice du Centre de prévention des blessures de l’École de santé publique de l’Université de l’Alberta.